Chapitres
Je ne me souviens pas d’avant. D’où je viens. Pourquoi je suis… ici.
Je… je suis seule. Je ne sais même pas d’où viennent ces blessures dans mon cœur, ni pourquoi je n’ai aucuns souvenirs de mes parents. Des visages qui me manquent, des voix qui s’éteignent dès que j’essaie de les retrouver, des choses qui me semblent familières et étrangères. Et toujours ce vide. Mes pas résonnent sur les pavés de la ruelle, ma chevelure noire se confondant avec l'obscurité de la nuit. Je suis venue ici comme si quelque chose m’y poussait. Mais pourquoi SilverCliff ? Pourquoi cette ville ? Qu’est-ce qu’elle a de spéciale, à part son silence étrange, ses rues solitaires et cette forêt qui semble respirer avec la nuit ? Je m'arrête de marcher. Cette forêt... Mes yeux ambrés quittent mes pieds avant de regarder plus haut, sur les falaises surplombant SilverCliff. Elle est effrayante. La brume qui s'en échappe lui donne un air sinistre. Alors pourquoi m'attire-t-elle ainsi? Tandis que je fixe la forêt, la brume semble s'enrouler autour de moi comme une main invisible. J'ai l'impression que cette forêt me regarde. Que sa présence, son mystère, me sont destinés. Je sens des frissons parcourir mon échine, mais je ne sais si c'est la peur ou l'excitation qui les provoquent. Ma respiration se fait plus rapide, et mon cœur cogne dans ma poitrine. Je secoue la tête. Voilà que je deviens folle... Léonore, déjà que les gens te trouvent bizarre voilà que tu t'imagines des choses maintenant... Je reprends ma marche nocturne alors qu'une douce léthargie me prends soudainement. Je ferme les yeux quelques secondes et quand je les ouvre à nouveau me voilà à l'orée de la forêt. Je reste là, les bras ballants, perdue et décontenancée.Je me sens comme aspirée par la forêt, malgré ma volonté de ne pas y entrer. Je tente de faire demi-tour, mais mes pieds refusent de bouger. La brume s'épaissit autour de moi, formant des volutes qui dansent dans la lumière de la lune. Pendant un court instant, je vois quelque chose briller au loin, une lumière d'un bleu glacial éclatant contrastant avec la chaleur qu'elle m'évoque. Sans vraiment m'en rendre compte, je pénètre dans cette forêt. Vas-y me murmure une petite voix dans mon esprit. Je n'ai pas peur. Alors que je devrais! Le vent fait crisser les branches des arbres autour de moi, les feuilles mortes craquent sous mes semelles, par moment j'ai même l'impression d'entendre des animaux. Je m'enfonce toujours plus loin, guidée par l'éclat. Je finis par m'arrêter dans une grande clairière, où trône au milieu une espèce d'autel en pierre blanche. Je m'approche silencieusement alors que la lumière m'aveugle presque. Je remarque alors une étrange pierre taillée telle une larme posée au sommet de cette pile de rocher. La teinte de la pierre, un bleu profond, rappelle un océan glacé, sous un ciel sans nuages, un bleu azur froid mais mystérieux. À la base de la larme, une nuance plus claire apparaît, presque translucide, comme si l'intérieur de la pierre contenait un éclat secret, une lumière qui ne demande qu'à s'échapper. Je veux la toucher, elle m'appelle. Elle m'attire. Elle semble me parler. Ma main tendue, je sens une énergie étrange émaner de la pierre. Mes doigts frôlent sa surface lisse, et aussitôt, des visions se bousculent dans mon esprit. Je vois des paysages arctiques, des glaciers scintillants, des créatures mythiques qui dansent sous les aurores boréales. J'entends des hurlements, je vois des loups courir dans la neige d'une pureté sans égale, j'entends des rires, je ressens une amitié profonde, de la chaleur, de l'amour. Puis tout à coup de le peur, de l'inquiétude, de la haine, de la colère. La vision se trouble. Le paysage onirique se transforme...