Chapitre 10: L'appel inattendu

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Wolfgang

J'aurais dû être plus brutal, plus direct, c’est ce que j'ai toujours fait avec les autres. Mais là, avec Léonore, quelque chose m'empêche de céder à mon instinct. Peut-être la douceur de sa peau, la délicatesse de son souffle, ou peut-être son regard, cette lumière tranquille dans ses yeux humains d'une couleur ambrée si particulière. Tout ce que je connais de la vie, de ma nature sauvage, me crie de la saisir, de la prendre avec la force de mon désir, mais au lieu de cela, mes doigts glissent lentement sur sa peau opale, effleurant ses lèvres pulpeuses. Une caresse, presque irréelle. C’est une réaction purement humaine, et pour la première fois depuis longtemps, je la ressens profondément. Un instant de peur et d’extase mêlées. Je veux la protéger, la garder près de moi, mais cette proximité est aussi un danger. Je suis un danger pour elle. Je me connais, je connais cette soif de prendre, de dominer. Mais ce n’est pas ce que je veux ici. Pas maintenant. J'ignore ce que je ressens, c’est difficile à nommer, plus complexe. Mes doigts glissent vers sa poitrine, frôlant le tissu de son décolleté. L’ombre de la bête est là, tout près, prête à surgir, mais je l’étrangle, je lutte. Lentement, je laisse ma main avancer davantage sous le tissu, frôlant la chaleur de sa peau et de la naissance de sa poitrine. Soudain, son gémissement me ramène à la réalité. Je me relève d'un bond, reculant du lit rapidement. Mon coeur bat à une vitesse surhumaine, mes pupilles sont fendues en 2 et ma peau est brûlante. Je recule encore d'un pas, le souffle court, les yeux fixés sur elle. A l'extérieur, des hurlements se font entendre depuis la forêt. Je soupire, reprenant enfin le contrôle, alors que j'entends qu'on m'appelle. Je commence à me diriger vers la porte sans une parole quand j'entends un "boum" dans mon dos. Je me retourne avant de voir Léonore au sol, ses yeux reflétant de la peur et de l'inquiétude. Je pousse un soupir avant de la relever pour la rallonger.

"Je dois partir" Je lui dis doucement, ma main passant dans ses cheveux de jais.

"Vous..."

"Je reviendrais" Je lui coupe la parole comme si j'avais compris la fin de sa phrase.

Elle ferme les yeux et tombe dans un profond sommeil. La Pierre de Lune, posée sur la table de chevet, cesse de briller en même temps que Léonore s'endort. J'ouvre la porte et m'arrête sur le perron, balançant la serviette de bain à l'entrée. Dehors, une petite brise souffle dans les rues vides et silencieuses de SilverCliff. Un frisson me parcourt, mais pas à cause du froid. Je déteste être ici, me retrouver dans une ville peuplée d'êtres humains, tous plus haïssables les uns que les autres... La lune brille au-dessus de moi, se reflétant sur mes cheveux argentés, sa lumière blanche se posant sur ma peau nue alors qu'un nouveau hurlement m'appelle. Je ferme la porte derrière moi, claquant la langue d'agacement. C'est toujours la même sensation, celle qui me parcourt lentement au début, comme un frisson qui grimpe dans mon dos. Je ferme les yeux un instant, mais je sais déjà que je ne peux plus fuir. Ma peau commence à chauffer. Ce n’est pas une chaleur agréable, ni un frisson de plaisir, c’est un incendie intérieur. Elle me brûle, me déchire, comme si mes muscles et mes os cherchaient à se libérer de mon corps. Mes jambes se tendent, les os craquent, se brisent dans une danse macabre, et je me plie en deux sous l’intensité de la douleur. C’est une douleur qui me ronge, qui me déforme. Je tombe au sol, mes mains se crispant sur les pavés, mes doigts s'allongeant et des griffes apparaissant à la place. Ma tête se déforme. Mes dents se changent en crocs, mes canines s’allongent, s’aiguisent. Je peux sentir mes mâchoires s’élargir. Mon nez se rétracte, devenant une truffe sensible, plus puissante. Le duvet qui naît sur ma peau se transforme en fourrure dense, blanche comme la lune, épaisse, presque comme un manteau de protection. Je secoue mon dos, mes poils brillant dans la nuit, ma queue fouettant l'air. Je me redresse lentement, mes muscles énormes, puissants, tendus. Je suis là, tout à la fois l’animal et l’homme, mes yeux bleus brillant dans l'obscurité.

"Wolfgang..."

Je sais qu'on m'appelle. Qu'on m'attend...