Chapitres
La nuit a enveloppé Ravenswood, et l'usine est plongée dans une atmosphère lourde, presque suffocante. Mikhaïl se tient dans son bureau, entouré de cette pénombre familière. La lumière des flammes dans l’âtre caresse les boiseries et illumine son regard doré, qui fixe un point invisible au-delà des murs.
La veille, il avait laissé une empreinte dans son esprit, comme une main invisible frôlant les contours de ses pensées. Et ce soir, il a décidé de pousser un peu plus loin. Il ferme les yeux et tend son esprit, une habitude qui ne demande plus aucun effort. Le lien qu’il a forgé ces dernières semaines est toujours là, fragile mais persistant, une ouverture suffisante pour s’immiscer dans ses pensées. Il la perçoit immédiatement, telle une vibration qui résonne à travers lui. Elle est dans sa maison, dans cette salle de bain où la vapeur et l’eau créent une atmosphère presque intime. Un sourire effleure ses lèvres. Il se glisse doucement dans son esprit, évitant toute brutalité. Pas encore. La patience est un art, et il veut savourer chaque instant. Dans l’intimité de la douche, il la voit : ses cheveux mouillés, les gouttes d’eau glissant le long de sa peau, le trouble dans ses pensées. Elle est magnifique dans sa vulnérabilité, une vision qui éveille en lui un désir qu’il ne cherche pas à refouler.
"Iris."
Le murmure s’échappe de ses lèvres, traversant la distance pour se déposer dans son esprit. Il sent le corps de la jeune femme réagir, un tressaillement léger, un souffle interrompu. Elle l’entend. Elle sait qu’il est là, quelque part, même si elle refuse de l’accepter pleinement.
Il insiste davantage, laissant des images flotter à la surface de ses pensées : leur première rencontre, le frisson de leurs regards croisés, la tension dans l’air du club. Il joue avec ses souvenirs, enflamme ses émotions, et il sent son trouble croître. Son souffle devient plus profond, et malgré elle, une chaleur qu’elle ne contrôle pas s’éveille en elle.
"Tu m’appartiens, Iris. Peu importe où tu es, je serai là."
Ces mots glissent sur elle telle une caresse invisible, une promesse sombre et envoûtante. Il sent son hésitation, sa lutte intérieure, son désir et sa peur. Il pourrait briser ses défenses maintenant, mais ce serait une victoire fade. Non, il veut qu’elle vienne à lui, qu’elle cède par choix, que le désir l’emporte sur la peur.
Ses propres pensées s’échauffent. Il imagine ses doigts effleurant sa peau, ses lèvres parcourant chaque courbe. L’idée l’emplit d’une satisfaction obscure, teintée d’un désir presque cruel.
"Laisse-toi aller, Iris. Cesse de lutter."
Elle murmure faiblement : "Mikhaïl, non...", ce qui le fait sourire davantage. Ce déni n’est qu’une façade, un dernier rempart qu’elle sait déjà voué à s’effondrer.
Il ouvre les yeux et s’adosse dans son fauteuil, l’ombre dansant sur ses traits. Son souffle est légèrement plus lourd, ses pensées encore ancrées en elle.
"Je ne suis jamais loin."
Les mots, prononcés à voix basse, se mêlent au crépitement des flammes. Elle est sienne. Pas encore tout à fait, mais bientôt. L’idée suffit à faire naître sur ses lèvres un sourire à la fois satisfait et empreint d’une anticipation brûlante. Il sait qu’il est déjà en elle, dans ses pensées les plus intimes. Il sait qu’elle se bat, mais il sait aussi que la bataille est perdue d’avance pour elle.
D’un geste, il passe une main sur son visage, dissipant le trouble qui l’envahit. Il relâche doucement le lien, les affaires de l’usine réclamant son attention. Il saisit un stylo, son écriture élégante glissant sur le papier. Pourtant, son esprit vagabonde encore vers elle, savourant l’idée d’être enraciné dans ses pensées. Mais la patience, il le sait, est une arme. Avec un soupir, il enfouit ces pensées pour une autre nuit et reporte son attention sur les documents, le sourire quittant lentement ses lèvres.