Chapitres
Un silence lourd envahit l’usine, interrompu seulement par les respirations hachées de Mikhaïl et d’Iris. Elle est toujours là, immobile, sa gorge captive dans la poigne de fer qui la maintient suspendue entre l’effroi et une fascination viscérale. La tension dans l’air est si dense qu’elle semble vibrer autour d’eux, prête à éclater à tout moment.
Mikhaïl se penche légèrement, son visage sombre et beau à en être cruel se rapprochant du sien. La lumière pâle de la lune danse sur ses traits, soulignant la netteté de son visage, la tension de sa mâchoire serrée et l’éclat inhumain de ses prunelles dorées. Son souffle, froid comme une brise hivernale, effleure sa peau, glissant sur sa joue telle une menace tangible.
"Je suis la tempête que tu refuses de voir." murmure-t-il, sa voix grave, empreinte d’un désespoir abyssal. "Chaque pas que tu fais vers moi est un pas vers ta perte...et pourtant, je suis incapable de m’éloigner."
Iris ne détourne pas le regard, son corps vibrant d’une étrange alchimie entre l’envie de fuir et le désir inexplicable de rester. Elle sent les doigts de Mikhaïl trembler légèrement contre sa gorge, une tension presque insupportable transparaissant dans ce simple contact.
"Mikhaïl…" Sa voix n’est qu’un souffle, mais elle suffit à fissurer l’armure qu’il s’efforce de maintenir. "Pourquoi es-tu encore là, si proche, à me retenir ainsi ?"
Un sourire amer étire ses lèvres, un rictus empli de douleur et d’une intensité presque destructrice. Ses doigts glissent doucement sur sa peau, de sa gorge à son épaule, avant de revenir, comme s’il traçait un chemin invisible, un adieu silencieux.
"Parce que tu es tout ce que je ne peux pas avoir." souffle-t-il, sa voix rauque, presque poétique. "Tu es la lumière qui me rappelle ce que j’ai perdu…et le feu qui consume ce qu’il reste de moi."
Sa mâchoire se crispe, et il se redresse légèrement, dominant l’espace entre eux. La lumière vacillante des lampes projette leurs ombres contre les murs, étirant cette tension comme un fil prêt à se rompre. Un grondement sourd monte de sa gorge, une résonance primitive et profonde :
"Tu ne mérites pas la malédiction que je porte." murmure-t-il, son regard brûlant plongeant dans le sien. "Et pourtant… chaque partie de moi hurle de te garder près de moi, de te lier à cette damnation."
Un frisson la traverse, mais elle ne faiblit pas. Elle lève une main tremblante, la pose sur son poignet glacé. Il ne bouge pas, mais le contact semble le déstabiliser davantage. Elle sent les veines inertes sous sa peau, une force brute qu’il retient avec une maîtrise fragile.
"Mikhaïl…" Elle murmure son nom, un mélange d’appel et de défi.
Il ferme les yeux, sa mâchoire crispée sous l’effort de contenir la tempête en lui. Lorsqu’il les rouvre, ses prunelles étincellent à nouveau d’une lueur indomptable, un feu où se mêlent désir et menace. Pendant une fraction de seconde, il semble prêt à céder, à franchir cette frontière invisible qui les sépare.
Puis, soudain, la tension éclate.
D’un mouvement brusque et contrôlé, Mikhaïl relâche sa prise, la laissant tomber au sol. Iris s’effondre sur les genoux, le souffle coupé, mais sans douleur. Ses mains s’agrippent instinctivement au béton froid pour se stabiliser. Elle lève les yeux vers lui, mais il recule déjà, comme si chaque pas loin d’elle était une fuite nécessaire pour se sauver lui-même.
"Iris…" murmure-t-il, sa voix presque brisée. "Je suis l’ombre qui te détruira."
Il détourne les yeux, son visage tordu par une expression de résignation, avant de disparaître dans l’ombre de l’usine, laissant derrière lui le poids de ses paroles et la présence fantomatique de cette tension inassouvie.
Iris reste à genoux, son souffle saccadé, sa gorge encore marquée par la froideur de sa poigne. L’usine semble retenir son souffle, mais l’absence de Mikhaïl pèse comme une ombre tenace. D’une main tremblante, elle effleure sa peau, là où son emprise a laissé une trace invisible, glacée comme une morsure nocturne. Vacillante, elle se redresse, jette un dernier regard vers les ténèbres où il a disparu.
Enfin, elle s’éloigne, mais l’écho de son absence demeure, inscrit en elle comme une empreinte irrévocable.