Chapitres
Alice reste figée, ses mains tremblantes refermant doucement le carnet. Les mots qu’elle vient de lire vibrent encore dans son esprit, comme un écho lointain qui refuse de s’éteindre. Elle sent une vague de compassion, mêlée de tristesse, l’envahir. Chaque détail, chaque émotion décrite par Mikhaïl semble presque tangible, comme si elle avait elle-même assisté à cette scène déchirante.
Elle laisse son regard errer sur la bibliothèque autour d’elle, mais rien ne semble réel à cet instant. Les étagères massives, les livres anciens, la lumière douce du crépuscule…Tout s’efface face à l’intensité des émotions qui l’assaillent. Elle pose une main sur son cœur, qui bat avec une vigueur nouvelle. Est-ce l’histoire qui la touche si profondément, ou bien est-ce cette étrange connexion qu’elle ressent avec Mikhaïl, ce narrateur lointain qui semble lui parler directement ?
"Quelle douleur cela a dû être", pense-t-elle, son esprit s’attardant sur la perte de la mère de Mikhaïl. Elle imagine la scène : une femme qui donnait la vie au prix de la sienne, un père figé dans le chagrin, une grand-mère murmurant des prières qu’elle savait probablement vaines. Ces images s’imposent à elle avec une vivacité troublante. Elle ferme les yeux un instant, tentant de calmer le tumulte qui gronde en elle. Alice se surprend à se demander : pourquoi ce livre ? Pourquoi aujourd’hui, et pourquoi moi ? Le nom de Mikhaïl résonne comme une énigme, une promesse de secrets enfouis. Elle ne peut s’empêcher de ressentir une étrange familiarité avec cet homme qu’elle ne connait pas.
Elle ouvre à nouveau le carnet, laissant ses doigts effleurer les pages jaunies. Ses pensées sont un mélange d’admiration pour l’éloquence de Mikhaïl et d’une inquiétude sourde face au mystère qu’il représente. La mention de son prénom dans la lettre glissée entre les pages ne cesse de revenir dans son esprit.
Elle porte la feuille à hauteur de ses yeux, relisant les mots signés de Mikhaïl. "Très chère Alice". La manière dont il s’adresse à elle est à la fois intime et solennelle, comme s’il connaissait une partie d’elle-même qu’elle ignore encore. "Le vampire Originel". Ces mots ont quelque chose de théâtral, presque irréel, mais Alice ne peut s’empêcher d’y croire. Elle sent dans ses mots une authenticité, une douleur si humaine qu’elle dépasse le cadre de la fiction.
Sa main glisse sur la table à la recherche d’un appui. Sous ses doigts, elle sent le grain rugueux du bois, comme pour s’ancrer dans la réalité. Elle aurait dû être effrayée. Mais au lieu de cela, c'est une curiosité insatiable qui la consume. Qui était Mikhaïl, cet homme devenu vampire ? Et pourquoi lui semble-t-il si urgent de partager son histoire avec elle ? Alice respire profondément et lève les yeux vers la fenêtre. Dehors, le crépuscule a cédé la place à la nuit. Les ombres dansantes de la pièce semblent plus prononcées, comme si elles prenaient vie, réagissant à l’énergie étrange qui émane du carnet. Elle se promet de lire la suite. Pas seulement par curiosité, mais parce qu’elle sent que ce récit de pensées comporte des réponses, peut-être même des vérités qu’elle cherche inconsciemment.
Un murmure semble flotter dans l’air, imperceptible mais présent. Est-ce son imagination, ou bien est-ce Mikhaïl, quelque part, qui attend qu’elle poursuive la lecture, qu’elle s’enfonce encore plus profondément dans son monde ? Quoi qu’il en soit, Alice sait qu’elle ne pourrait pas refermer ce livre pour de bon. Pas encore. Elle inspire profondément, laissant ses doigts caresser la couverture vieillie.
"Il est temps d’en savoir plus", murmure-t-elle, déterminée à plonger dans l’histoire à nouveau.